Voici l'hommage présenté par s. Marlaine Lalancette, prieure générale, à notre sœur Gisèle Carrier, lors des funérailles de cette dernière, lundi le 8 janvier dernier. Voici donc un bref survol de la vie de notre chère sœur, qui illustre ce don unique qu’elle a été pour le monde, pour sa communauté.
Chers parents et amis, bonjour!
Pour parler de s. Gisèle, il nous faut d’abord la situer comme étant la 9e d’une famille de 16 enfants. De ses parents, M. Joseph Carrier et Mme Rose-Alma Tardif, elle dira : j’ai hérité d’eux : le sens du don de soi, le sens d’une privation au profit de l’autre, le sens du partage, du pardon.
Aussi, elle écrit : « Dès ma tendre enfance sur les genoux de maman, j’ai appris à balbutier le nom de Jésus, sans savoir ce qu’il signifiait, mais je savais que ce nom désignait quelqu’un. Avec les années, j’ai compris que c’était quelqu’un et quelqu’un d’important, car ce nom se disait avec vénération par mes parents, mes frères et sœurs. Et lorsque maman ou papa nous faisait ‘dire’ notre prière du soir, le nom de Jésus était invoqué; et à ce Jésus nous lui confiions des intentions
De plus, le grand catéchisme en images, bien expliqué, m’en a appris long sur le personnage de Jésus. Et dans mon adolescence Jésus est devenu plus intime, j’aimais le prier. »
Pensionnaire à l’École Normale, de Ste-Rose-du-Dégelis (Témiscouata), s. Gisèle expérimente sérieusement l’ennui, la vraie nostalgie du foyer familial. En plus, la timidité l’accompagne partout et lui rend l’adaptation plus ardue.
Graduée, à la fin de trois années, elle enseigne pendant de trois ans à Notre-Dame des Laurentides. Pendant ce temps elle rencontre un ami sérieux qui lui propose le mariage. Face à cette proposition, elle lui dévoile son projet de vie consacrée.
En 1959, elle entre donc dans la Congrégation des Dominicaines Missionnaires Adoratrices. Avec les mois, les années, elle découvre la profondeur de la spiritualité : adorer le Père par Jésus qui est l’Adorateur parfait.
En 1960, elle débute son noviciat sous le nom de sœur Marie du Christ-Roi. Avant sa première profession elle écrit : « Ces années de formation furent pour moi, particulièrement heureuses. J’ai été favorisée par la présence de merveilleuses compagnes, avec qui je pouvais échanger, étudier, faire du théâtre et rire au besoin!»
Après sa profession perpétuelle en 1965, elle assume divers travaux à la maison mère avant de recevoir une obédience missionnaire en terre albertaine, à Brosseau, dans le diocèse de St-Paul (Alberta). La veille de son 1er départ, sœur Gisèle adresse un vibrant merci à MJR et à ses sœurs. À la suite, MJR en fait écho: « Si sœur Marie du Christ-Roi voit en sa mère le prototype de la dominicaine missionnaire adoratrice, nous venons d’entendre le prototype de la fille de mère Julienne du Rosaire. Merci pour ces sentiments exprimés avec tant de délicatesse, de chaleur et de profondeur».
Dans une seconde mission, à Fishing Lake, sœur Irène Paquin, une de ses compagnes témoigne : « Avec s. Gisèle j’ai vécu d’heureuses années. À l’école, j’ai profité beaucoup de ses délicates et multiples attentions à mon égard. Étant elle-même enseignante, ma classe a profité de sa pédagogie, de sa compétence car elle enseignait le catéchisme et préparait les enfants aux sacrements. Aussi, elle recevait certains parents à la maison pour les préparations au Baptême, à la Réconciliation, à l’Eucharistie et même au Mariage. Intuitive, elle se faisait une joie de m’aider où c’était possible. Et, comme la Vierge de la Visitation, elle se rendait en toute hâte porter mon dîner à l’école. Et connaissant mon peu de force physique, elle me prêtait ses mains et ses pieds pour me soulager. Oui, comme son aide me fut précieuse! Plus d’une fois, je l’ai même embauchée comme secrétaire privée. »
Après 35 ans dans cette Colonie Métis, son dévouement se poursuit à St-Paul. En septembre 2013, date où on doit fermer cette dernière maison dans l’Ouest canadien. S. Gisèle avoue : « J’ai quitté cette ‘adorable’ province de l’Alberta, ce milieu où les amis poussaient comme le blé. »
De retour à la maison mère la maladie de Parkinson la côtoyait assidument et son état de santé se détériorait. Le 10 octobre 2017, elle est confiée aux soins des Augustines à l’Infirmerie intercommunautaire. De nouveau, elle assume généreusement le grand sacrifice de quitter les sœurs du Cénacle. Sa jovialité et son oubli d’elle-même ont vite gagné le cœur du personnel soignant. Cependant, sa maladie réduit rapidement la force de ses jambes et son équilibre, de telle sorte qu’elles provoquent maintes et maintes chutes. Graduellement elle perd presque toute sa motricité, mais sœur Gisèle ne s’apitoie pas sur son sort ; son sens de l'humour demeure. Elle écrit à une amie religieuse le 17 novembre 2019 : « Après une période de chutes, on m’a sommée de circuler avec mon déambulateur – depuis, le plancher reste libre pour les autres ! »). Et le 25 février 2021 : « Quant à moi, la santé n’a pas progressé – les chutes sont toujours à la mode, qu’importent le lieu et l’heure. Je me tiens les bras bleus ou mauves selon la saison liturgique ».
Après huit ans d’hospitalisation, avec l’évolution de sa maladie, le médecin déclare, vers le 18 décembre, qu’elle est à bout de ses forces. Alors, les soins de confort lui sont prodigués.
Le 21 décembre, elle reçoit le sacrement des malades et le 25 décembre, elle entend la voix de cet Époux : Viens ma toute belle, l’hiver de tes souffrances est fini. C’est son ultime rencontre avec le Seigneur.
Merci s. Gisèle pour ton dévouement dans la vie communautaire et fraternelle, avec ton humour et tes mots d’esprit, tu savais déjouer la fatigue ou l’ennui de l’une ou de l’autre. Ton cœur sensible vibrait à toute douleur comme à toute joie d’une compagne, d’un parent ou d’un ami. Merci aussi pour ta vie d’adoratrice. En effet, te tenir en présence du Cœur Eucharistique était pour toi ton pain quotidien.
s. Marlaine Lalancette, o.p.
Lundi, 8 janvier 2024