Notre fondatrice
Qui est Mère Julienne?
Julienne Dallaire naît dans la paroisse Notre-Dame-de-Jacques-Cartier, à Québec, le 23 mai 1911. Elle y est baptisée le 25 mai, jour de l'Ascension. À sa première communion, elle expérimente la présence de Jésus dans l'Eucharistie. À douze ans, méditant l'évangile de la Samaritaine devant le Saint-Sacrement, elle comprend que le don de Dieu, c'est Jésus dans l'Eucharistie, et qu'il l'appelle à être missionnaire, à chercher avec Jésus des adorateurs du Père. Portant en son cœur le désir d'être religieuse, elle entre à trois reprises en communauté, et en sort, faute de santé.
Le Jeudi saint 1942, elle saisit l'amour immense avec lequel le Christ se donne à nous dans l'Eucharistie et son désir que nous vivions de cet amour. Elle se confie à monsieur le chanoine Cyrille Labrecque, lequel discerne, dans la vie de sa dirigée, l'appel divin à fonder un nouvel institut. Le 30 avril 1945 naît la congrégation des Dominicaines Missionnaires Adoratrices. Mère Julienne du Rosaire ne cesse de communiquer à tous la flamme eucharistique qui l'anime.
Après cinquante années de don d’elle-même à ses filles et à toutes les personnes qui la côtoient, elle meurt le 6 janvier 1995, jour de l'Épiphanie, consumée par le désir de guider vers le Seigneur de l'Eucharistie les mages d'aujourd'hui.
Rappelons ici des paroles qu’elle a prononcées quelques années auparavant : « Ma vie s’achève, mais ce n’est qu’apparent; ma mission va commencer, ma mission de chercher des adorateurs… J’espère répandre le feu de l’Amour eucharistique dans le monde. »
Sa Cause de béatification et de canonisation est ouverte à Rome, à la Congrégation pour les Causes des Saints.
Une biographie est disponible dans le volume Femme de lumière et de feu (139 pages) disponible aux Éditions du Cénacle.
Petite biographie en vidéo
Biographie
Contexte historique
Le quartier Saint-Roch au début du XXe siècle
Saint-Roch est un quartier industriel de Québec. À la fin du XIXe siècle, diverses manufactures s’y développent. Une certaine aristocratie commerçante habite ce milieu à la population très dense, mais la grande majorité des résidents appartient à la classe ouvrière.
Au centre du quartier s’élève l'église Saint-Roch, première paroisse détachée de la paroisse mère du diocèse, Notre-Dame-de-Québec. À l’est de cette église se dresse un autre lieu de culte construit en 1851 et qui est érigé canoniquement en paroisse le 25 septembre 1901, Notre-Dame-de-Jacques-Cartier.
Un milieu de chrétienté
En ce début du XXe siècle, la vie de foi des habitants de ce milieu, est marquée par le catholicisme québécois de l’époque où la paroisse occupe une place prépondérante. L’influence de l’Église catholique est à son apogée. Le clergé et les institutions religieuses, dont plusieurs congrégations d’enseignants et d’enseignantes, jouent un rôle de premier ordre dans la vie de la majorité des catholiques; c'est particulièrement le cas dans un quartier Saint-Roch.
Importance du culte eucharistique
Un important culte eucharistique marque le christianisme québécois et s’exprime à travers diverses manifestations comme les « Quarante-Heures », les processions de la Fête-Dieu et de la fête du Sacré-Cœur, etc. Ces deux grandes initiatives du saint pape Pie X peuvent expliquer pour une part l’attitude des chrétiens à l’égard du sacrement de l’Eucharistie : d’abord le décret Sacra Tridentina du 20 décembre 1905 où le Saint-Père invite les chrétiens à la communion fréquente, puis le décret Quam singulari du 8 août 1910, qui accorde aux enfants ayant atteint l’âge de raison de faire leur première communion.
Une famille reçoit en son sein une enfant prédestinée
C’est dans ce milieu précis que Dieu suscite cette mystique de l’Eucharistie, Julienne Dallaire. Elle naît au deuxième étage d’un petit logement de la rue des Commissaires dans la paroisse Notre-Dame-de-Jacques-Cartier le 23 mai 1911 et est baptisée à l’église paroissiale le 25 mai suivant, en la fête de l’Ascension.
Le père de Julienne, Gaudiose Dallaire, et sa mère, Alexina Faucher, ont déjà un garçon, et par la suite, neuf autres enfants — deux sont décédés en bas âge — enrichiront le foyer. Julienne est issue d’un milieu humble et laborieux. Le papa est d’abord cigarier, puis employé à l’hôtel de ville de Québec comme jardinier, et finalement comme gardien de nuit. En 1921, après quelques déplacements de Jacques-Cartier à Saint-Roch, la famille s’installe définitivement dans cette dernière paroisse; Julienne a environ 10 ans.
Les parents sont de fervents chrétiens. Le père, un homme à la tournure contemplative, grand fervent de l’Eucharistie quotidienne et homme de devoir, aura une influence profonde sur l’âme de sa fille aînée. La mère, pour sa part, est une femme d’accueil, d’une charité débordante particulièrement à l'égard des pauvres. Tout le voisinage est le bienvenu dans sa maison. Les multiples occupations de son propre foyer ne l'empêchent pas de voler sans hésitation au secours de ceux qui sont dans le besoin. Elle se dévoue également aux diverses activités charitables de la paroisse. La vie dans la famille Dallaire est laborieuse, simple et joyeuse et se vit dans la fidélité aux valeurs chrétiennes.
Julienne au sein de sa famille et dans son milieu
Dans sa famille, Julienne sera toujours la collaboratrice de ses parents auprès de ses frères et soeurs, se comportant comme leur « deuxième maman », celle qui s’occupe de chacun, mais aussi, celle auprès de qui l’on vient très simplement demander conseil, faire des confidences ou recommander des intentions de prière. Par expérience, la famille sait que la prière de Julienne a une efficacité toute particulière.
Plus tard, entre ses essais de vie religieuse dont il sera question plus loin, Julienne, très habile couturière, s’adonnera à ce métier, habillant les membres de la famille, mais travaillant aussi pour d’autres personnes afin d’aider financièrement ses parents. Combien de gens pauvres seront les bénéficiaires de ses largesses! Comme sa mère, elle se dévouera elle aussi aux activités charitables de la paroisse.
Un mystère l'habite
Pourtant, à travers tous ses contacts avec les gens, Julienne exerce déjà un mystérieux rayonnement attirant autant par sa simplicité et sa charité que par ce quelque chose d’indéfinissable qui émane de sa personne et qui fascine.
C’est que cette jeune fille est porteuse d’un mystère, celui d’une expérience singulière de Jésus, spécialement dans son Eucharistie. Cette expérience s’approfondira, introduisant progressivement Julienne dans une compréhension renouvelée du mystère eucharistique et l’amenant petit à petit à découvrir la mission spéciale à laquelle Dieu la prépare. Ainsi, à travers les méandres d’un long cheminement jonché d’épreuves, Julienne comprendra que Dieu la destine à fonder une nouvelle congrégation religieuse dans l’Église : les Dominicaines Missionnaires Adoratrices dont elle sera la mère, portant le nom providentiel de Julienne du Rosaire.
Il est donc temps de nous approcher davantage du mystère qui habite Julienne et d’y découvrir les étapes qui la conduiront à sa future vocation de fondatrice. Suivons la lecture qu'elle-même fait de son cheminement.
Une première découverte : le mystère de l’Ascension
Le premier souvenir relaté par Julienne nous reporte à sa toute petite enfance, à l'âge de quatre ans. Elle est assise sur les genoux de sa mère qui lui parle du mystère de l’Ascension, évoquant la fête liturgique du jour où l'enfant fut baptisée. Dans son imagination, Julienne se voit monter au ciel, blottie dans les bras de Jésus. Déjà, elle découvre que le baptême ouvre la porte du ciel et que c’est en Jésus que se réalise notre ascension vers la Vie éternelle. La certitude lui est donnée d’aller un jour au ciel.
Première communion et découverte de la présence de Jésus dans l’Eucharistie
Déjà séduite par Jésus, Julienne expérimente d’une manière sensible sa présence eucharistique lors de sa première communion, le 25 décembre 1916. Elle a cinq ans et demi. À partir de ce moment, la Présence réelle devient l’attrait dominant de sa vie intérieure, l’amenant à vouloir rejoindre sans cesse son Seigneur au tabernacle de l’église paroissiale.
Découverte de la Parole de Dieu et expérience de la rencontre de Jésus avec la Samaritaine
Toute jeune, Julienne fait également la découverte de la Parole de Dieu. Elle commence à étudier l'Évangile, surtout en présence du Seigneur au Saint-Sacrement, vivant là ce qu'elle vient d'apprendre.
Elle lit l'Évangile du jour avec attention. Lorsqu'elle reçoit Jésus dans la communion, elle le reçoit toujours en lien avec l'Évangile disant que c'était la façon dont le Seigneur se donnait à elle ce jour-là.
C’est en étudiant l’Évangile que Julienne fait l'expérience toute spéciale de Jésus, expérience qui marquera toute sa vie. À douze ans, alors qu'elle médite le texte de la Samaritaine devant le Saint-Sacrement, elle est séduite par le Christ au puits de Jacob et elle l’interroge sur le don de Dieu. Ce qui la frappe surtout, c'est la parole de Notre-Seigneur : « Si tu connaissais le don de Dieu » (cf. Jn 4, 10). Cette parole résonne dans son esprit, dans son cœur. Elle cherche à saisir ce que le Seigneur voulait faire comprendre à la Samaritaine. Julienne demande à Jésus de lui dire ce qu'est ce don qu'il faut connaître. Et elle comprend que c'est Jésus dans l'Eucharistie qui est le don de Dieu.
Le Père cherche des adorateurs
Entre 12 et 17 ans, une autre parole de Jésus à la Samaritaine la travaille : « Mon Père cherche des adorateurs (cf. Jn 4, 23) ». Elle a l'impression de percer petit à petit le Cœur du Christ et de découvrir son désir de donner des adorateurs au Père. Et elle sent qu'il lui faut l'aider à en trouver.
En même temps, elle en arrive à comprendre que si Jésus dit : « l’heure est venue », c’est que c'est lui, le Fils de Dieu incarné, « qui est le seul vrai adorateur du Père et que nous sommes adorateurs en lui et par lui; que le premier battement de son Cœur, son premier souffle de vie fut, non pas son premier acte d’adoration, mais le commencement d’une adoration qui ne devait jamais finir ». « Nos pauvres adorations - dira-t-elle - doivent se perdre dans l'océan d'amour du Cœur de Jésus et monter vers Dieu transformées en la sienne, et que par l’Eucharistie, il veut nous associer à sa vie d’adoration et d’amour ».
Progressivement, elle prend conscience que la messe est le vrai sacrifice d'adoration que Jésus offre à son Père.
À travers ce cheminement, Julienne perçoit de mieux en mieux l’appel à une vocation missionnaire eucharistique, vocation qu'elle voit se réaliser dans la vie religieuse.
Des chemins déroutants
Un douloureux cheminement pour répondre à l’appel de Dieu
Pour répondre à cet appel, Julienne entre à 17 ans chez les Franciscaines Missionnaires de Marie, congrégation à la fois missionnaire et adoratrice. Mais sa santé se détériore et, après un certain temps, les supérieures lui demandent de quitter.
À 21 ans, elle fait une autre expérience de vie religieuse chez les Sœurs Servantes du Saint-Cœur-de-Marie, mais elle comprend assez vite qu’elle n’est pas apte à la vie d’enseignante.
Les années s’écoulent et ses démarches auprès d’autres congrégations s’avèrent infructueuses en raison de son manque de santé.
À 29 ans, Julienne, avec sa sœur Yvette, est accueillie chez les Dominicaines de l’Enfant-Jésus (aujourd'hui, les Dominicaines de la Trinité). Accueil providentiel, car c’est dans cette communauté qu’elle rencontre saint Dominique et reconnaît en lui « son » père qui lui demande des filles qui seraient à la fois dominicaines, missionnaires et adoratrices.
Mais nouvelle épreuve de santé; les autorités de la Congrégation signifient à Julienne qu’elle doit retourner dans sa famille. Le 2 novembre 1940, brisée de douleur, elle quitte cette communauté dominicaine où elle était déjà si heureuse. Plongée dans des ténèbres épaisses, Julienne sacrifie son désir le plus profond, disant à Dieu : « Je vous sacrifie mes aspirations les plus chères […] Je vais vivre dans le monde puisque telle semble être votre volonté sur moi. J’essaierai de m’y sanctifier de mon mieux ». Elle poursuit quand même, et avec non moins d’intensité, sa vie de prière. Dès que sa santé s'améliore suffisamment, elle reprend son labeur comme couturière ainsi que son dévouement auprès des pauvres.
La découverte d'une volonté du Seigneur
Un nouveau directeur spirituel
Par la suite, une religieuse de la congrégation des Dominicaine de l’Enfant-Jésus, Mère Madeleine de Pazzi, ayant discerné chez Julienne une vie spirituelle particulièrement intense et hors du commun, lui propose de trouver un nouveau directeur spirituel. Elle lui suggère de s'adresser au chanoine Cyrille Labrecque, tertiaire dominicain et théologien spirituel chevronné.
Julienne rencontre le Chanoine pour une première fois le 26 janvier 1941. Petit à petit, elle s'engage avec lui dans un chemin de confidence pour discerner la volonté de Dieu sur elle. Sans le savoir, Julienne vient de rencontrer celui que la Providence destine à devenir non seulement son père spirituel, mais aussi le collaborateur choisi par Dieu pour l'aider dans la fondation d’un nouvel institut religieux.
S’ouvre ainsi pour Julienne l’étape la plus importante de sa vie, une période de purifications profondes, mais aussi un temps où elle reçoit des lumières décisives pour elle-même et pour l'œuvre qui lui sera confiée.
Expériences spirituelles intenses et lumineuses
Le Jeudi saint, 2 avril 1942, Julienne fait l’expérience du mystère de la dernière Cène, sommet de la vie du Seigneur, expression ultime de son amour, de son don de lui-même. Jusque-là, par l'évangile de la Samaritaine, elle avait compris que Jésus dans l'Eucharistie était le don de Dieu. En ce Jeudi saint, elle comprend avec quel immense amour Jésus se donne dans l'Eucharistie. En instituant ce soir-là son Sacrement d'amour, il se crée, pour ainsi dire, une vie nouvelle, une vie sacramentelle.
Elle comprend alors que « si on honore d'une façon particulière cet acte d'amour, Notre-Seigneur nous introduira dans son Cœur pour nous faire vivre de sa vie ».
À cette occasion et par la suite dans d’autres expériences, Julienne découvre que c’est son Cœur que le Seigneur met ainsi à notre disposition dans l’Hostie. Il nous donne son Cœur pour que nous aimions comme lui et par lui, pour qu’en lui nous glorifiions le Père et toute la Trinité et pour qu’avec lui, nous nous offrions pour la vie du monde.
À partir de ces compréhensions, il se produit en Julienne un besoin intense de faire connaître Jésus dans son acte d’amour de la Cène.
Julienne comprend également que le Cœur du Christ qui se donne dans l'Eucharistie où il est présent contient l'amour du Père, du Fils et de l'Esprit et que l'Eucharistie, c'est le Christ dans tous ses mystères: Incarnation, Rédemption. Elle sait que le but de Notre-Seigneur sur la terre, dans son Eucharistie, c'est de nous faire vivre de sa vie intérieure, afin que par lui soit glorifiée la Sainte Trinité.
Les mois suivants, les lumières abondent chez Julienne, tant au niveau de sa compréhension du sacrifice de la messe, dans lequel nous sommes appelés à nous offrir avec Jésus, que du rôle de la Vierge Marie, mystérieusement présente à l'autel comme médiatrice auprès de Dieu.
Fondatrice d’une nouvelle communauté
Pendant que Julienne pénètre de plus en plus dans ce mystère de l'immense amour du Cœur de Jésus se donnant dans l'Eucharistie, elle reçoit des signes toujours plus clairs d’une volonté du Seigneur sur elle. Dieu semble vouloir lui confier la fondation d’une nouvelle communauté, les Dominicaines Missionnaires Adoratrices, dont la mission serait de vivre de cette spiritualité et d’en être les apôtres.
Pour Julienne et pour son directeur, l’évidence s’impose. Un mémoire est présenté par le chanoine Cyrille Labrecque au cardinal Jean-Marie-Rodrigue Villeneuve, o.m.i., archevêque de Québec. Ce dernier reçoit Julienne qu'il interroge; il lui devient alors très clair que ce projet vient vraiment de Dieu.
C’est ainsi que le 30 avril 1945 - alors fête de sainte Catherine de Sienne -, avec Monsieur le Chanoine et trois compagnes, Julienne s’offre pour le règne du Cœur Eucharistique de Jésus. Le cardinal Villeneuve bénit le groupe fondateur et lui dit : « C’est une grande œuvre qui se fonde aujourd’hui. Elle est voulue de Dieu et elle vivra ».
L'Institut naissant s’installe à Beauport, dans la banlieue de Québec et prend le nom de Société du Cœur Eucharistique. La nouvelle fondation sera érigée canoniquement le 7 octobre 1948, sous le nom de Dominicaines Missionnaires Adoratrices. À cette occasion, Julienne — devenue Mère Julienne du Rosaire — et sa première compagne, Colette Brousseau, prononceront leurs vœux perpétuels.
De la fondation à ses dernières années
Profondément « mère » pour ses filles, la fondatrice favorise l’éclosion des dons et des charismes chez l'une et chez l'autre, accueillant avec enthousiasme les découvertes spirituelles et les initiatives de chacune. Dans le gouvernement de la Congrégation, ses collaboratrices ont toute sa confiance.
Elle visite les sœurs dans leurs divers milieux, soit au pays, soit à l'étranger, prodiguant aux sœurs son encouragement et ses conseils judicieux. Elle porte beaucoup d'attention aux gens de ces milieux qu'elle considère comme sa "famille élargie".
Bien que l’essentiel de la spiritualité lui ait été donnée entre 1942 et 1945, Mère Julienne du Rosaire en découvre progressivement des aspects nouveaux pour l’incarner toujours plus profondément dans sa vie. Elle y entraîne non seulement ses filles, mais un nombre toujours grandissant de personnes à l'extérieur de la communauté.
Pendant près de cinquante ans, Mère Julienne du Rosaire dirige avec discernement, audace, et courage les destinées des Dominicaines Missionnaires Adoratrices. Elle est fidèlement secondée par sa compagne des débuts, Mère Colette Brousseau, ainsi que par les générations de femmes qui, au long des années, viendront se joindre à elle.
Ce qui impressionne particulièrement chez Mère Julienne, c'est son intense amour du Christ ainsi que la richesse et la profondeur de l’enseignement qu'elle dispense tout au long des années. Par des conférences régulières, elle fait communier ses filles au mystère chrétien sous divers aspects, et très spécialement, au mystère eucharistique, « don de Dieu » jaillissant sans cesse du Cœur du Christ.
Son enseignement, Mère Julienne le puise à même sa propre vie, dans son expérience spirituelle et dans les lumières qu’elle a reçues; mais surtout à travers sa manducation constante de la Parole de Dieu dans les textes de la liturgie du jour et toujours en fidélité à la pensée de l'Église.
Dans ses entretiens, Mère Julienne trace des voies de sanctification simples, mais exigeantes. Elle cherche à entraîner suavement les personnes à répondre à « l’Amour qui se donne » par le don de soi dans l’amour à la manière de Jésus, quoi qu’il en coûte.
Veut-elle faire saisir comment on peut adorer en esprit et en vérité? Elle insiste sur l'importance d'entrer dans les sentiments du Christ et de faire de notre vie, comme il l’a fait lui-même, une recherche amoureuse et active de la volonté de Dieu.
C’est d’ailleurs ce que Mère Julienne fera elle-même, jour après jour et année après année, tout au long de sa vie. En effet, elle est habitée par une soif profonde de répondre à la demande du Cœur Eucharistique de Jésus d’honorer son acte d’amour du Jeudi saint; comme lui, elle veut aimer et se donner in finem, jusqu’à l’extrême (cf. Jn 13, 1).
Mère Julienne offre occasionnellement des entretiens à des laïcs dont certains font partis de groupes qui se réunissent régulièrement au Cénacle du Cœur Eucharistique de Beauport.
Les prêtres aussi profitent de son enseignement. Au cœur de sa vie de prière et de sacrifice, Mère Julienne les porte d’une manière très spéciale, invitant ses filles à faire de même. Elle rappelle souvent que le Sacerdoce est sorti du Cœur du Christ au Jeudi saint en même temps que l’Eucharistie; pour elle, c'est tout un.
Ardente apôtre du Cœur Eucharistique
Mère Julienne est brûlée du grand désir de donner le Cœur du Christ à toutes les personnes qui s’approchent d’elle, et même au-delà. Depuis le début de la fondation, elle réserve tous ses dimanches après-midi à l’accueil des gens – très nombreux – qui veulent la rencontrer pour lui demander conseil, mais surtout pour se recommander à son intercession auprès du Seigneur.
Il arrive parfois à Mère Julienne d’interpeller tout doucement les gens : « Vous me demandez de prier. Et vous, priez-vous? Participez-vous à la messe dominicale? » Quand la réponse manifeste un certain éloignement, elle ajoute délicatement et avec beaucoup de tendresse : « Savez-vous de quoi vous vous privez? »
Dernière étape de sa vie
À partir de septembre 1991 jusqu’à sa mort au début de 1995, Mère Julienne entre dans une étape de maladie et de purification profonde. Son plus cher désir, souvent exprimé, est de mourir dans un acte d’amour parfait. Et le Seigneur se chargera de l’y préparer par de mystérieux dépouillements.
Quelques années avant la fin, elle dit : « Ma vie, je l’ai voulue une messe, je l’ai nourrie d’une messe quotidienne. J’entrevois ma mort comme une dernière messe qui s’éternisera en “Amour et gloire à la Trinité par le Cœur Eucharistique de Jésus!” C’est ma vie! » Ces paroles, chargées de sens, résument bien sa vie.
Pourtant, même dans cette étape douloureuse, elle est toujours heureuse de prendre du temps avec ses filles et avec les personnes qui viennent lui rendre visite, transmettant quelque chose de l'amour qui la consume : son cœur brûle toujours d'un feu apostolique ardent. En 1993, elle confiait : « Ma vie s’achève, mais ce n’est qu’apparent; ma mission va commencer, ma mission de chercher des adorateurs. J’espère répandre le feu de l’Amour eucharistique dans le monde, répandre la dévotion au Cœur Eucharistique avec mes filles, partout où elles seront, faire aimer Notre-Seigneur dans son sacrement d’amour ».
Le 3 janvier 1995, quelques jours avant son décès, elle partage ces paroles avec une sœur : « C’est assez drôle ce que je vis cette année à propos des Mages : c’est comme si je les voyais venir, c’est comme si je les guidais, comme si je les aidais à marcher dans la droite ligne vers le berceau de Jésus. L’étoile de la foi se réveille en eux. Ils vont la suivre et reconnaître Jésus, l’adorer, lui offrir des présents. » Jusqu’à son dernier souffle, Mère Julienne veut guider des personnes vers Jésus, vers son Cœur Eucharistique.
L'ultime offrande
En la fête de l’Épiphanie, le 6 janvier, tôt le matin, elle entre en agonie. Au cours de la matinée, entourée de ses filles et de quelques autres personnes, dont l'aumônier et des membres de sa famille naturelle, elle vit dans sa chambre la célébration d’une dernière messe. Une heure plus tard, ce sera effectivement son dernier acte d’amour, offert à Dieu dans un dépouillement total. Elle termine ainsi la messe de sa vie pour se réveiller, nous en avons l’intime conviction, dans l’Offrande éternelle du Fils au Père.
Les funérailles
C'est en l'église de la Nativité de Notre-Dame dans l'arrondissement de Beauport, Québec, qu'ont lieu les funérailles de celle que des milliers de gens sont venus saluer une dernière fois pendant les trois jours où elle a été exposée.
La célébration est présidée par l'archevêque de Québec, Mgr Maurice Couture, r.s.v., entouré d'une centaine de prêtres. La vaste nef de l'église est remplie malgré le froid sibérien qui règne à l'extérieur.
L'homélie, prononcée par un grand ami de Mère Julienne, le Père Jean-Marie Côté, C.Ss.R., se termine par ces mots qui résument bien quelque chose du mystère de cette « Femme de lumière et de feu » :
« Julienne du Rosaire : un alliage de fragilité et de force, de petitesse et de grandeur, de simplicité et d’audace, d’intuition et de réflexion, de fraîcheur et de profondeur, de délicatesse et d’intensité, de sérieux et de sourire, d’écoute et de parole, de prière et d’action, de vif souci de vérité et de compassion; et des yeux pénétrants, inoubliables, brillant d’une lumière venue d’ailleurs. Julienne du Rosaire : tellement avec nous et toute tendue vers le Père, vers le Fils et l’Esprit Saint. »
Note: Les illustrations de cette page, de Virginia Parent, sont tirées du livre J'ai des secrets à te partager aux Éditions du Cénacle.