Voici l'hommage présenté par s. Francine Bigaouette, au nom de la prieure générale, s.Marlaine Lalancette, à notre sœur Giselle Juneau, lors des funérailles de cette dernière, vendredi le 1er mars dernier. Voici donc un bref survol de la vie de notre chère sœur, qui illustre ce don unique qu’elle a été pour le monde, pour Haïti et pour sa communauté et ses proches.
Chers parents et amis de sœur Giselle et de notre Communauté,
Que dire sur notre chère sœur qui vient de nous quitter? Ou plutôt par quoi commencer après une vie si bien remplie!
Notre sœur naît le 20 juin 1929 et est baptisée le lendemain dans sa chère Cathédrale Notre-Dame de Québec. Dernière enfant d’Almanzor Juneau et d’Antoinette Reneault; elle arrive après trois sœurs et un frère; elle est très aimée et même beaucoup choyée.
Elle fait ses études primaires et secondaires chez les Sœurs de la Charité de Québec, et s’implique dans divers mouvements : Croisade, Guidisme, Jeunesse Étudiante Catholique, etc.
De son père, elle garde le souvenir d’un homme qui se dévouait sans compter pour les pauvres et les déshérités de la paroisse. De sa mère, elle porte la douleur secrète d’une maman qui n’avait peut-être jamais totalement accepté son départ pour la vie religieuse.
Qu’en est-il de sa vocation? Avec son amie, Marie-Paule Talbot, elle visite en cachette les communautés religieuses, surtout les cloîtres! Elle opte finalement pour Les Dominicaines Missionnaires Adoratrices rêvant d’aller un jour en Afrique.
Entrée à la maison de la fondation sur l’avenue des Cascades en février 1952, à la fin de son postulat elle reçoit l’habit de la Congrégation et le nom de Sœur Cyrille-de-Jésus, en lien avec notre Père Fondateur, le Chanoine Cyrille Labrecque, qui connaît bien la famille puisqu’il a été vicaire à la Basique de Québec et a travaillé avec son père au journal de l’Action Catholique de Québec.
Elle poursuit les différentes étapes de sa vie religieuse qui la mènent à la profession perpétuelle le 4 août 1957. Son rêve d’aller en Afrique se réalisera-t-il un jour? Elle donne même son nom pour cela, parce qu’elle voulait travailler auprès des lépreux. Mais la communauté n’avait pas de mission en ce pays et S. Giselle n’était même pas infirmière! Elle donne alors son nom pour suivre un cours d’infirmière à l’Hôtel-Dieu de Québec.
Toutefois en réponse à une demande pour une fondation au Pérou, Mère Julienne du Rosaire lui offre d’être du groupe de la fondation. C’est ainsi qu’après quelques mois d’apprentissage de l’espagnol, le quatuor fondateur part en octobre 1962 pour la Pampa de Comas, en banlieue de Lima, et vit les premières années dans une petite maison de quatre pièces, sans commodités.
Puis il est décidé qu’elle revient à Québec en 1964 pour suivre enfin un cours d’infirmière. Finalement, après un bref retour au dispensaire de Ricardo Palma, au Pérou, et de nouveau au Québec à l’hôpital de Chibougamau, S. Giselle s’inscrit pour un cours de sage-femme à l’Hôpital Saint-Sacrement. Après une année doctrinale chez les Sœurs de Ste-Famille de Bordeaux, elle part pour la Plaine du Nord, en Haïti où travaillent déjà quelques sœurs dans le petit dispensaire qui n’était autre que la galerie de l’école du village!
Plus tard, elle suit un cours en Léprologie - son rêve! - en République dominicaine. À la demande du Curé de l’Ile à Vache, en Haïti, elle soigne les malades pendant presque un an dans ce qu’elle aimait appeler son « Ile enchantée ».
Finalement, à l’automne 1983. après plusieurs détours dans la Perle des Antilles, elle retourne à la Plaine du Nord où elle reprend la charge d’administratrice du Centre Médico-Social, et où, grâce à l’aide financière de Misereor puis de Développement et Paix, et aux précieux conseils d’un missionnaire chevronné en bâtiment, elle fait des plans pour un édifice qui répondra aux besoins d’une population qui vient, non seulement de la Plaine du Nord, mais de plusieurs localités environnantes, et elle y restera jusqu’à son retour définitif en juin 2002.
Elle écrira plus tard : « J’aimais les campinordais comme on les appelle – les gens de la Plaine du Nord – et je continue de les garder dans mon cœur. J’étais heureuse de travailler comme infirmière, ‘’ DOC ‘’, on alla même jusqu’à me surnommer ‘’ La Mère Teresa de la Plaine du Nord’’ . … Que dire de la joie de travailler avec mes 28 employés que j’avais formés pour la plupart et qui collaboraient très bien. Oui, en Haïti on vit au quotidien cette page de l’Évangile de Mathieu : « J’ai eu faim… j’ai eu soif… J’étais malade et vous m’avez visité… »
De toutes ces années, ce qui nous saute aux yeux, c’est son être de « COMPASSION » devant la souffrance humaine. Ce nous est un besoin de vous partager ce qu’une compagne missionnaire nous écrivait après son décès : « Je la revois encore, joyeuse et sereine malgré les responsabilités immenses qui reposaient sur elle, je la revois soulager tous ces malades qui venaient vers elle avec tant de confiance. (…) Riches ou pauvres S. Giselle les recevait sans distinction. Ses nombreuses compétences, sa qualité d’être, sa proximité avec les malades, sa bonté pour les plus vulnérables et les plus pauvres, tout cela a fait de S. Giselle une missionnaire au cœur miséricordieux.»
Son retour à la maison mère, avec des plaies et de l’œdème aux jambes, lui permet de vivre d’une certaine manière un aspect de son rêve de jeunesse : la vie cloîtrée. C’est ainsi qu’elle assume régulièrement pendant presque 15 ans le service de réceptionniste. Chaque jour elle répond inlassablement aux appels téléphoniques. Que de confidences douloureuses, que de cris de détresse, que de situations sans issue… Toujours, elle essaye d’apporter une parole d’espérance, d’encouragement, d’invitation à se confier au Cœur Eucharistique de Jésus et à la Vierge Marie.
Son départ pour l’infirmerie intercommunautaire des Augustines de l’Hôpital Général, le 1er mai 2017, c’est elle-même qui avait pris l’initiative d’en faire la demande, de crainte, pensait-elle, d’être un poids pour la communauté, vu sa condition physique qui se détériorait. Elle écrivait : « L’heure est venue de quitter le Cénacle. (…) Je vous demeure unie dans l’Acte d’Amour du Cœur Eucharistique… en union avec Maman Marie, notre Père saint Dominique et Mère Julienne ».
C’est ainsi que, durant 6½ ans, en plus de prier pour tout son monde dans le silence de sa chambre de malade, elle s’ingénie à tricoter pour Haïti, jusqu’à devoir demander une attelle pour son poignet afin de pouvoir continuer son bénévolat!
Son décès arrive de façon plutôt subite. En effet, dimanche le 18 février une tension artérielle élevée nous est un signe précurseur… Puis suivent des jours de fièvres intenses et d’agonie lente malgré les bons soins qui lui sont prodigués. En plus du personnel très attentif, les sœurs se relayent auprès d’elles pour prier et chanter des cantiques qu’elle aimait. Elle s’éteint doucement aux premières heures du 21 février.
Rendons grâce à Dieu pour cette vie toute donnée. Nous aimons penser que le Seigneur l’a accueillie en lui disant : « Viens ma bien-aimée, j’étais malade, et tu m’as soigné… »
s. Marlaine Lalancette, o.p.
Vendredi, 1er mars 2024