Voici l’hommage présenté par s. Marlaine Lalancette, prieure générale, à notre sœur Marie (Charlotte) Godbout, lors des funérailles de cette dernière, vendredi 19 mai dernier. Voici donc un bref survol de la vie de sœur Marie, qui illustre ce don unique qu’elle a été pour le monde, pour l’Église, pour le Pérou et pour sa communauté.
Celle qui vient de partir pour retrouver son Seigneur et qui nous rassemble aujourd’hui, portait le nom de Marie Marguerite Charlotte Godbout. Elle est née le 25 août 1937, pour être baptisée le 27 août, à l’église de Saint Ambroise de Loretteville, à Québec. Elle était la fille de Ida Clermont et de Ernest Godbout, cinquième d’une famille de huit enfants. Toute petite, elle vouait déjà une très grande admiration pour son père.
De son enfance nous savons très peu de choses, à part un événement important qui marquera sa vie. À 10 ans, elle fait la rencontre de Jésus, le grand Missionnaire ! Un coup de foudre qui l’amène au don radical de son être au Seigneur, le grand Amour de sa vie, envers qui elle restera toujours fidèle ! Des années plus tard, sœur Marie écrit : « À dix ans, l’appel du Seigneur à la vocation missionnaire a été si fort que ma décision a été déterminante. Après cet appel, ma vie a été purement et simplement une préparation à la vie missionnaire. Dès l’âge de onze ans, j’ai commencé à travailler et je suis entrée chez les guides avec cette intention : apprendre à me débrouiller et à me préparer à la vie missionnaire. C’est là que j’ai vraiment senti l’appel du Seigneur à le suivre. Ça été définitif, je serai religieuse missionnaire. Jamais je n’ai songé à retourner en arrière ».
À 17 ans, Marie porte le désir de devenir éducatrice. Elle fait une première expérience religieuse chez les sœurs de la Charité de Saint-Louis, où elle commence son cours de brevet d’enseignante pour le primaire. Toutefois, le charisme de cette communauté étant de vie active, Marie s’orientera ensuite chez les Dominicaines Missionnaires Adoratrices. Le 29 juin 1957, elle rencontre pour la première fois la fondatrice, Mère Julienne du Rosaire. Elle fera son entrée dans cette communauté, le 28 juillet 1957. Le 2 février de l’année suivante, elle devient novice et reçoit le nom de sœur Marie de la Miséricorde. Ensuite, suivront les étapes de la profession temporaire et de la profession perpétuelle, en date du 2 février 1964.
En 1962, sœur Marie reçoit sa première obédience missionnaire comme enseignante à l’école Mgr Robert, auprès des tout-petits; les préférés du Cœur de Jésus. Pleine de talents, son dévouement est remarquable. Pour les petits, elle n’en fait jamais assez. De plus, elle est très appréciée des parents. Elle écrit : « J’ai joui de beaucoup d’amitié avec les parents, surtout avec les mamans qui me donnaient leur appui en tout ce que j’entreprenais et cela, sans condition ». Elle va jusqu’à consacrer le temps de ses vacances pour organiser un terrain de jeux. Ces enfants, aujourd’hui adultes, se souviennent… Ils parlent encore de Mère Marie de la Miséricorde.
En 1967, se réalise son grand rêve d’être missionnaire en terre lointaine. Pas besoin de longs discours pour parler de cette étape importante : il suffit de regarder ses œuvres. Dès le lendemain de son arrivée au Pérou, dans la région de Comas, le 27 octobre, elle commence à enseigner dans une maternelle érigée dans une cabane de paille, avec soixante enfants. C’est avec eux qu’elle apprendra l’espagnol.
C’est au Pérou que cette jeune religieuse fait connaître son tempérament audacieux, fonceur et débrouillard. Sans savoir l’espagnol, elle complète ses études pour enseigner dans ce pays, et devient ensuite ingénieure, dans le but de construire des écoles.
Voyant la surpopulation infantile, elle invente un programme non scolarisé. Elle construit, avec l’aide des parents, une dizaine de jardins d’enfants, des centres éducatifs dans divers secteurs de la paroisse du Seigneur des Miracles, où vit la communauté, et érige un autre centre dans la Selva, pour les enfants dont les parents sont lépreux. Avec le temps, le gouvernement prendra en charge les programmes pour les scolariser et en deviendra responsable.
La pastorale de la paroisse du Seigneur des Miracles est très engagée. C’est une immense paroisse de plus de quatre-vingts milles (80,000) personnes, divisée en douze (12) secteurs avec chacun, son centre de culte, et chacun ayant des religieux et religieuses regroupés en équipe pastorale pour aider le curé et assumer la coordination. Sœur Marie, intégrée dans cette paroisse, est assignée dans le secteur de la Pascana. Elle se dédie pleinement à la construction d’un complexe communautaire qui comprend la chapelle, une garderie, une bibliothèque, un poste médical et une classe pour enfants handicapés.
La dernière grande réalisation de sœur Marie est l’école de La Fe de Maria (La Foi de Marie); devenue, avec le temps, une grande école accueillant la maternelle, le primaire et le secondaire; c’est un centre de très bonne renommé. De plus, en collaboration avec la municipalité de Comas, sœur Marie a vu à l’élaboration d’un parc pour en faire un centre récréatif et un lieu de réunions importantes pour l’école.
Le feu missionnaire et une grande confiance en la Providence habitaient le cœur de sœur Marie. Elle s’est donnée sans compter, puisant sa force à la source de l’Eucharistie pour vivre sa vie dominicaine missionnaire adoratrice et servir comme Jésus lui-même.
Sœur Marie était de caractère fort, déterminé et ingénieux. Les épreuves n’éteignaient pas son enthousiasme; même la maladie qui la terrassait depuis 1982. Notre sœur ne parlait pas de sa santé. Après une opération ou un traitement, dès le lendemain, elle était à son poste de travail à l’école. Si on lui demandait comment elle allait? Elle nous répondait : « Tout va très bien, madame la Marquise… ». Vraie et authentique, elle a dû apprendre peu à peu et difficilement à concilier vérité et douceur. Elle y est parvenue, avec la grâce de Dieu, et son courage qui ne s’est jamais démenti.
Notre sœur était une femme exigeante et d’une grande pauvreté pour elle-même, mais compatissante, en particulier pour les pauvres, et toute donnée à ceux qui avaient besoin de ses services. Que d’actes de charité anonymes a posé sœur Marie, secrètement enregistrés dans le Cœur de son Seigneur.
Le 4 janvier 2010 devient un jour marquant pour notre ardente missionnaire, alors qu’elle revient malgré elle et définitivement du Pérou, dû à la maladie qui l’a visitée si souvent. Malgré son état de santé, elle continue sa vie de prière et d’adoration et poursuit sa mission pendant dix ans comme réceptionniste, tout en récitant son Rosaire pour les personnes qui se confient à elle. Dans la communauté, on la retrouve dans mille et un petits services, entre autres le soin des plantes, dans lequel, elle excelle. C’est ainsi qu’elle vivra le don d’elle-même jusqu’à la fin.
Même dans la maladie, sœur Marie était une sœur attentive à l’autre, serviable et généreuse. Les personnes qui l’ont côtoyée appréciaient sa proximité, sa chaleur humaine, sa patience et sa capacité d’écouter. Pendant ses dernières années de vie, notre sœur aimait surtout être proche de sa famille naturelle, frères, sœurs, neveux et nièces qu’elle affectionnait et qui avaient une place particulière dans son cœur.
Sœur Marie Godbout : une femme profondément missionnaire ! Une femme éducatrice, architecte et donnée dans le service aux plus pauvres ! Ces simples mots résument sa vie. Missionnaire au Pérou, missionnaire à Québec!
Redisons-lui notre reconnaissance pour le don d’elle-même, pour sa vie bien remplie, spécialement auprès du peuple péruvien qu’elle a servi avec tant d’amour et de dévouement pendant plus de 40 ans. Les nombreux témoignages reçus l’expriment avec éloquence.
Que Dieu notre Père, qui a choisi notre sœur Marie, l’accueille auprès de lui dans sa demeure éternelle.
Sœur Marlaine Lalancette, o.p.